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L’art de la perliculture Polynésienne

Dernière mise à jour : 4 mai 2023

La perle, œuvre humaine à part entière, à mi-chemin entre la chirurgie et l’art. Elle est la seule gemme au monde à être née d’un être vivant. Vous pensez qu’elles apparaissent comme par magie dans les nacres ? Cet article est pour vous si vous souhaitez connaître les secrets de leur fabrication.

Des échantillons de perle, nucleus et nacre.


Imaginez un bungalow faisant suite à un long ponton de bois, vous marchez sur ce ponton et de chaque côté se trouve les milles déclinaisons de bleu turquoise des eaux du lagon. C’est au milieu du Pacifique sur l’atoll de Fakarava en polynésie française que nous nous sommes rendus. Le bungalow dont nous parlons est en fait l’installation d’une ferme perlière. C’est ici que débute, la grande aventure de la perle. Ronde, ovale, baroque, cerclée, aubergine, argenté, vert bronze, peacock… Une telle diversité de couleur et de forme fait de chaque perle une œuvre unique.


Mais commençons par le début. En polynésie, la perle est obtenue par la greffe de la nacre noire, Pinctada Margarifera. Ces coquilles mesurent de 20 à 40 cm et vivent une vingtaine d’années. Elles sont entreposées dans des paniers de 3 à 7 mètres de profondeur sous la surface. Elles font l’objet d’un entretien régulier naturel par les poissons mais aussi par la main humaine afin de les débarrasser des algues vertes et autres coquillages envahissants.

Bienvenue à la ferme perlière


Vous avez dit « greffe » ?

Absolument. La greffe consiste à introduire un nucleus autour duquel va se former la nacre en couches successives afin d’obtenir une perle. Le nucleus correspond à des billes de taille variable, synthétisées par un coquillage en élevage dans la rivière Mississipi. La greffe est faite dans les règles de l’art. Tout le matériel utilisé est stérilisé avec précautions et les nucléus sont marinés dans la bétadine afin d’aider à la cicatrisation après la greffe.


Ne pensez pas que monsieur ou madame tout le monde peut se pointer et greffer cette nacre noire sans la moindre expérience ! C’est un geste précis, réalisé par les plus grands maîtres et les perliculteurs font fréquemment appel à des spécialistes étrangers. 2 ans, c’est le temps minimum de formation d’un étudiant pour devenir greffeur en polynésie. Un bon greffeur doit être capable de greffer 400 nacres par jour, soit un temps d’environ 40 secondes par nacres. Autant dire qu’il faut un peu de pratique.

Instruments pour la greffe.


C’est aussi un travail de longue haleine. Trois ans et demi, c’est le temps qu’il faut au minimum pour que la première perle puisse voir le jour. En gros, les nacres grandissent pendant 2 ans avant d’être greffées puis 1 an et demi avant d’obtenir une perle après greffage. C’est sans compter le fait que le pourcentage de succès de la greffe est seulement de 50% car il y a beaucoup de rejets !


En pratique, le greffeur commence par entrouvrir les nacres suffisamment pour avoir un espace de travail. Il prépare ensuite les greffons en sacrifiant la nacre qui présente la plus belle couleur à l’intérieur de sa coquille pour en greffer 19 autres. Le perliculteur espère ainsi obtenir la même couleur que celle fabriquée dans la coquille.


Un sacrifice ? Mais c’est sadique ! Pourquoi fait-on ça ?

Parlons un peu d’anotomie, les nacres sont constituées d’une coquille, d’un manteau qui est une sorte d’enveloppe couvrant l’intérieur de la coquille et qui emballe les organes variés de l’animal. Ce sont les cellules épithéliales externes du manteau qui sont responsables de la synthèse de la nacre. Le spécialiste extrait donc le manteau externe de la nacre sacrifiée et le découpe en 19 portions qu’il enroule autour des nucléus et les insère à l’aide de ses outils chirurgicaux à l’intérieur des nacres à greffer. La greffe doit être rapide car le manteau s’assèche et devient plus faible.


Et que se passe-t-il après la greffe ?

La Nacre commence à dissoudre le morceau de manteau. Après 3-4 mois, le manteau n’est plus visible à l’œil nu et le mollusque commence à produire continuellement de la nacre. Toutes les nacres travaillent à des vitesses différentes et la couche de nacre va donc avoir une épaisseur variable. Il faut une épaisseur de nacre de 1 à 4 mm pour que la perle soit acceptable. Après un an et demi, même les mollusques les plus lents auront produit suffisamment de nacre pour former une perle et être récoltée.


La récolte se produit en incisant avec précautions la poche contenant la perle. Une fois la perle extraite, la nacre est de nouveau greffée en insérant un nouveau nucléus de la même taille que la perle obtenue de façon à éviter de nouveaux rejets. Il est ainsi possible de faire jusqu’à 4 récoltes dans la vie d’une nacre.

C'est dans cette poche que se trouve la perle


Quels sont les enjeux qui pourraient mettre en péril ce secteur ?


- La problématique de la surexploitation

La concentration géographique des exploitations perlicoles n’est pas sans impact sur les écosystèmes fragiles des lagons incluant un dérèglement du cycle biologique des nacres et d’une surmortalité dans certains atolls. Malgré la création des autorisations d’occupation du domaine maritime à des fins perlicoles dès 1997, il faut attendre 2017 pour qu’une composante environnementale soit prise en compte dans leur attribution. Un seuil écologique a alors été fixé pour chaque lagon en fonction de sa taille et de sa capacité à renouveler son eau visant à réduire progressivement l’emprise de la perliculture sur les lagons les plus fragiles.


- La problématique des plastiques

L’usage important d’intrants plastiques rend la filière particulièrement sensible aux problématiques de traitement des déchets. Les coûts et les contraintes engendrés conduisent fréquemment à l’apparition de décharges sauvages ou à l’immersion des matériaux usés. Afin de faire évoluer les comportements et répondre à ces défis, les autorités entretiennent un dialogue avec les différents acteurs et financent régulièrement des initiatives de nettoyage des lagons ou de développement de matériaux non-polluants.


- La problématique de main d’œuvre

La crise économique résultant de la propagation du Covid-19 a accentué ces difficultés et aura un impact déterminant pour l’avenir de la filière. Près d’un mois avant la mise en place des mesures de confinement, la décision de suspendre les permis de travail accordés aux étrangers hors du territoire et ayant séjourné en Chine depuis le 30 janvier 2020 a privé les exploitations de la plupart de leurs greffeurs, main d’œuvre indispensable pour garantir les futures récoltes. Rapidement, cette mesure a été alourdie par la suspension du trafic aérien local et international, bloquant la totalité des échanges.

La perle de Fakarava dans sa nacre


Maintenant nous voyons les perles sous un autre œil et nous espérons que ce sera de même pour vous.

À tout bientôt!!

Source : https://www.ieom.fr/IMG/pdf/et_309_la_perliculture_en_polynesie_francaise.pdf

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