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En route vers le 67° Nord: notre préparation pour une navigation arctique en voilier.

Dernière mise à jour : 7 déc. 2023

Récit de Axel Galpy-Massé


On vous parle souvent de Venus, notre voilier Baltic 51, qui nous a accompagné et accueilli tout au long de ce long périple depuis la Polynésie française jusqu’au Québec.

C'est un incroyable voilier, magnifique sur ses lignes, solide, fiable et confortable au près avec lequel nous avons parcouru plus de 15 000 miles nautiques.


Mais Venus existait bien avant nous !


Venus, Axel et Chloé fraîchement arrivés aux Iles de la Madeleine, au Québec,


Construite en 1980, Venus n’en est pas à sa première expédition !

À peine sortie de son chantier, elle passait déjà à travers deux ouragans lors de sa traversée de l’Atlantique Nord depuis la Finlande jusqu’à la côte Est des États-Unis ! Plus tard elle a traversé le Canal de Panama une première fois pour se retrouver du côté Pacifique. Et puis, avant de naviguer dans les eaux tropicales de la Polynésie française où nous avons repris son commandement, Venus a vécu plusieurs saisons en Patagonie et l’Antarctique avec Christophe et Emma à son bord. Ils y faisaient du charter austral à travers les canaux et les eaux glaciales de cette partie du globe avant de changer de terrain de jeu et de faire du charter arctique cette fois-ci à bord de leur nouveau voilier : LifeSong, un Garcia 68 en aluminium.


Et le Nord dans tout ça ?

Montréal et Lyon sont à la latitude 44 °N. Si on monte un peu plus au Nord nous arrivons à Gaspé, qui est à 48°N, comme Roscoff en Bretagne.

Et alors ?


Aujourd’hui on se prépare pour une toute nouvelle aventure, une toute nouvelle expédition qui risque d’être pleine d’apprentissages et de défis.

Si jusqu’à présent nous avons accumulé les expériences dans les eaux chaudes des tropiques (mis à part la remontée vers le Canada et les navigations du Fleuve St-Laurent) nous sommes totalement novices dans les hautes latitudes !

Et quoi de mieux pour se plonger dans cet univers unique qu’en embarquant pour un convoyage de plus de 1 500 miles nautiques depuis Roscoff en Bretagne jusqu’à Bodø, au 67ème parallèle, au nord de la Norvège, dans le royaume des aurores boréales! Si on reprend la comparaison avec le Canada, c'est à plus de 500 km au nord d'Iqaluit, au Nunavut. Et cerise sur le gâteau, nous le ferons à bord de LifeSong, le nouveau voilier de Christophe et Emma!


LifeSong au mouillage


C'est comme le cercle de la vie: les nouveaux propriétaires de Venus embarquons à bord du nouveau voilier des anciens propriétaires de notre belle Venus bien-aimée! Si c'est pas beau!


Pour ma part c’est un défi de taille.

J’ai eu la chance de pouvoir avoir le rôle d’équipier lors de courses internationales et convoyages à bord de grands voiliers comme des Volvo 60 ou encore Volvo 65, et si ces bateaux me semblaient grands, alors imaginez-vous un 68 pieds ! C’est la toute première fois que je vais embarquer sur un voilier de cette dimension, et rappelons-nous, 68 pieds équivalent à plus de 20 mètres de long !

Ajoutez-y une nuit arctique qui va nous plonger dans l’obscurité en moyenne 17 heures par jour, des risques de neige ainsi que la présence de dépressions hivernales qui pourraient sévir le long de la traversée et vous avez un combo gagnant pour une expérience dure et éprouvante mais riche en expériences.

Et, pour couronner le tout, je n’y vais pas "juste" en tant qu’équipier, mais bien en tant que Second du Capitaine. Un bien beau rôle qui vient avec son lot de responsabilités.

Suis-je un peu stressé? Oui! Normal, non?



Mais parlons préparation. Comment se préparer à une traversée comme celle-ci ?

Il va faire froid, humide. Il va sûrement pleuvoir, et peut-être même neiger. Un petit coup d’œil à la météo et on peut s’apercevoir que, quand ça souffle, eh bien ça souffle. Nous risquons de devoir faire de l’équilibrisme entre les différentes dépressions qui se suivent, alternant entre la navigation et le mouillage dit patagonien, où l'on amarre le bateau à la terre ferme avec 4 amarre de part et d'autre de la baie, pour nous protéger et laisser passer le pire.


Roscoff-Florø-Bodø


Bref, on est loin des alizés chauds, stables et agréables des tropiques. En découle un des aspects les plus importants pour la préparation d'une telle traversée qui est, encore une fois, comme présenté dans cet article : le Mindset.

En tant qu’équipier et encore plus en tant que second ou capitaine, il est important d’être conscient des règles de ce jeu dans lequel, dans une confrontation directe, la seule gagnante est mère nature. Être humble devant cet élément est de prime importance. Rien ne vaut d'y aller avec la force brute. Si l'on veut aller loin il faut savoir se faire petit et savoir accepter ses limites.

Aussi, de la même manière que j'expliquais à mes équipiers de long cours les règles du jeu, pour cette traversée en particulier il faut être conscient de plusieurs aspects :

- Ça va brasser

- Ça ne va pas être de tout confort

- On va se demander ce qu'on fait là

- Il va faire froid

- On va se faire mouiller

- Le repos ne va pas toujours être au rendez-vous

- Le risque d’avoir le mal de mer est non-négligeable

- C’est un travail d’équipe

- Les risques sont réels

- Il existe la possibilité (faible mais réelle) que l'on n'arrive jamais à destination


Je vous invite à relire cette liste une deuxième fois.


Toujours partant pour une telle expédition? Bien.


C’est le moment de s’équiper en conséquence.

Un des aspects les plus importants dans des traversées froides est de rester au sec et de rester au chaud, ou du moins de pouvoir se mettre au sec et au chaud. Je m’explique. Vous savez la fameuse goutte froide qui dégouline le long du dos depuis la nuque ou le long du bras depuis la manche ? Pas très agréable, n’est-ce pas ? Si elle ne se promène qu'une fois avant de disparaitre, bon, ça va, ce n'est pas une expérience agréable mais bon. Mais maintenant transformez la goutte en plusieurs gouttes incessantes, qui se baladent, vont et reviennent sans se lasser, en mouillant tous vos vêtement au passage. Il y a de quoi devenir fou !

Alors dites "non" aux gouttes. Il faut rester au sec. Une bonne veste de quart et une bonne salopette de quart peuvent faire la différence. Toujours pas 100% confiants ? Alors pourquoi pas une coquille imperméable et des pantalons imperméables en prime ? Ça vous permettra d’autant plus de laisser la goutte hors de portée de votre chair!

Et ça va de même pour le froid.

On va se le dire, l’évolution a fait un sacré beau travail avec les oignons et leur pelure, alors pourquoi pas s’en inspirer ? Plusieurs couches chaudes permettront de vous garder au chaud tandis que la pelure extérieure transpirable et imperméable vous gardera au sec !

Et c'est pareil pour les pieds ! Le pire ennemi d’une traversée confortable est d'avoir les pieds froids et/ou mouillés. Pour cette expédition j’ai opté pour non seulement des bottes imperméables et feutrées mais également pour des chaussettes en mérinos et imperméables, une première !



Je me souviens d'une traversée réalisée à bord d'un Volvo 60 entre les Bermudes et Antigua en Novembre. Il faisait relativement chaud mais par contre nous avons eu de la pluie durants plusieurs jours d'affilé, et sur ces bateaux oubliez le pilote automatique, il n'y en a pas. Je me souviens des premières nuits, où je finissais mon quart de nuit à 22h et reprenais mon deuxième quart à 2h du matin. À la fin du premier quart passé sous la pluie toutes nos vestes de quart étaient trempées et cela nous prenait une quinzaine de minutes pour nous changer et se mettre au sec pour le quart de repos. Imaginez-vous l'horreur de, après s'être reposé à peine 3 heures c'était le moment de se réveiller pour re-enfiler la veste et la salopette trempée en sachant que devant nous se présentait un quart de 4 heures sous la grosse pluie et les grosses vagues.

Au moindre petit soleil nous étions tous à essayer de sécher notre équipement en sachant que la nuit suivante serait à la même sauce!


Alors maintenant, au lieu d'un agréable 15 à 20 degrés Celsius, mettez dans cette recette mouvementée des températures avoisinant le zero degrés. Je vous assure que vous voulez rester secs!


Bref.


Aujourd'hui Il ne reste plus que 6 jours avant le départ.

6 jours avant que l’on largue les amarres depuis la Bretagne direction 67° Nord. 5 semaines à travers la Manche, les côtes de l'Angleterre, de l'Écosse et les canaux de la Norvège.

D’ici là, il faut se reposer !



Axel

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